Biographie

Repères chronologiques

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• Principales expositions où figurèrent des œuvres d’EMN
• Bibliographie / L’oeuvre de l’écrivain

1859 Naissance, le 2 décembre, d’Etienne au domicile de ses parents, 3 rue Saint Georges à Paris
1866 Acquisition par Adolphe Moreau, père d’Etienne, du bois de La Tournelle à Coincy (Aisne), où il fait construire un pavillon de chasse qui deviendra la résidence préférée d’Etienne, souvent représentée dans ses tableaux et lieu où il s’adonnera à la poterie.
1873 Mort de son grand-père maternel, le chirurgien Auguste Nélaton.
1878 Admission d’Etienne à l’Ecole Normale Supérieure. La même année, un décret l’autorise à joindre le nom de sa mère à celui de son père.
1880 Les Moreau quittent la rue Saint-Georges pour s’installer au 33, rue du faubourg Saint-Honoré, dans un hôtel construit pour Antoine de Sartine, ministre de la marine de Louis XVI. Etienne en héritera et y abritera sa collection, avant de la donner à l’Etat. Cet immeuble restera dans sa descendance jusqu’en 1978.
La même année, découvre l’Italie et ses musées, puis la Belgique
1881 Etienne s’initie à la photographie, qu’il utilisera abondamment par la suite, en particulier pour documenter le patrimoine de sa région, le sud de l’Aisne
La même année, premiers voyages en Angleterre et en Allemagne.
1882 Mort d’Adolphe Moreau, le 4 juillet
1883 Etienne passe l’été chez Harpignies, qui l’initie à la peinture et à l’aquarelle
1883-1885 Fréquente l’atelier d’Albert Maignan
1889 Mariage, le 14 mars, avec Edmée Braun, d’une famille protestante alsacienne
Premier achat d’un tableau d’artiste contemporain : Intimité, d’Eugène Carrière
1890 naissance (février) de sa première fille : Etiennette
1891 Séjour en Provence (janvier-février), série de paysages au pastel, naissance de sa seconde fille : Cécile
1893 Initiation à la gravure à l’eau-forte avec Albert Besnard
1894 Naissance d’un fils : Dominique
1895 Réalisation de ses premières affiches, par la technique de la lithographie
1897 Mort tragique (4 mai) d’Edmée, sa femme et de Camille, sa mère, dans l’incendie du Bazar de la charité
1898 Véritable début de sa collection, voyage en Angleterre avec Paul-César Helleu, premières séries de paysages : Paris vu des tours de Notre-Dame, vues d’Etretat
1899 Premiers essais de céramique, première publication d’histoire de l’art : Camille Moreau, peintre et céramiste
1900 Vente en mai, à la galerie Georges Petit, d’une partie de la collection de tableaux et de mobilier de son père et de son grand-père, pour acheter des tableaux de ses artistes préférés, dont, la même année : le Déjeuner sur l’Herbe de Manet.
1901 Série des Moulins de Hollande, puis paysages de la vallée de la Meuse
1905 Publication de L’œuvre de Corot, premier catalogue raisonné de l’œuvre de cet artiste.
1906 Donation à l’Etat de cent tableaux
1908 Publication des Crayons français du XVIe siècle au musée Condé de Chantilly
1913 Publication des Eglises de chez nous, 3 volumes sur les églises de l’arrondissement de Château-Thierry, et en 1914 3 autres sur les églises de l’arrondissement de Soissons
1914 Siège à la Commission nationale des Monuments historiques, Mariage d’Etiennette avec le docteur Paul Brodin
1916 Publication de Delacroix raconté par lui-même, premier volume d’une série de sept ouvrages de monographie de peintres à partir essentiellement de leur correspondance, naissance de son premier petit-enfant : Pauline
1918 Publication du Mémorial de famille, mort (mai) sur le champ de bataille de son fils unique Dominique
1922 Mariage de Cécile avec le docteur Jacques de Massary, neveu de Paul et de Camille Claudel
1925 Election à l’Académie des Beaux-Arts
1927 Décès à Paris, le 25 avril, dans son hôtel du faubourg Saint-Honoré.

Etienne Moreau-Nélaton a déployé sa curiosité et son activité dans de nombreux domaines, que les différentes pages de ce site permettent d’explorer tout en donnant des liens et des pistes pour les approfondir. Pour qui souhaitera des informations détaillées sur sa vie, on renverra aux pages consacrées à la bibliographie, en particulier à son Mémorial de famille (1918), ainsi qu’à l’ouvrage de Vincent Pomarède : Etienne Moreau-Nélaton (1988).

Etienne Moreau-Nélaton est né dans une famille de la grande bourgeoisie parisienne – son père est maître des requêtes au Conseil d’Etat et son grand-père maternel chirurgien de la famille impériale –, très ouverte d’esprit, qui fréquente les artistes de son temps et collectionne leurs œuvres. Camille, sa mère, est elle-même une artiste-peintre et surtout une céramiste reconnue.

Les facilités et la curiosité intellectuelle qu’il montre au lycée Condorcet lui permettent d’intégrer l’Ecole Normale dans une promotion qui deviendra célèbre pour avoir été celle de Jean Jaurès et d’Henri Bergson. Mais la carrière historique qui semble s’ouvrir à lui, sous les auspices d’Ernest Lavisse, ne représentera finalement qu’une part de sa prodigieuse activité. Ces travaux historiques sont orientés d’un côté vers l’histoire de l’art, qu’elle concerne les artistes de la cour des Valois au XVIe siècle ou bien les peintres français du milieu du XIXe siècle, de l’autre vers l’histoire locale du sud de l’Aisne, et en particulier du Tardenois avec lesquels sa famille a des liens anciens, ainsi que la défense de son patrimoine.

C’est que, en effet, Etienne Moreau-Nélaton aborde l’histoire et le patrimoine, non seulement avec une solide formation historique, mais aussi avec un regard d’artiste, qui est l’autre versant de sa personnalité. Initié par sa mère et par un paysagiste ami de ses parents : Henri Harpignies, il consolide sa formation dans l’atelier d’Albert Maignan, mais prend très vite son indépendance, cherchant sa voie entre les différents courants picturaux de la seconde moitié du XIXe siècle, et surtout attiré par la lumière des Impressionnistes.
Le bouleversement qu’est pour lui, en 1897, la mort tragique, dans l’incendie du Bazar de la charité, de sa mère et de sa jeune épouse Edmée Braun, qui lui avait donné trois enfants, l’amène à explorer de nouvelles voies artistiques : il délaisse la peinture religieuse ou moralisante, qu’il avait traité dans des tonalités sourdes, pour se lancer dans le paysage et la peinture de plein air, que ce soit pour montrer Paris vu des tours de Notre-Dame, les champs et les bois du Tardenois, les falaises de Normandie ou bien encore les moulins de Hollande, dans une technique et des coloris qui doivent certes beaucoup à la première génération impressionniste, mais avec un coup de pinceau bien personnel, tant dans la manière de poser les contours que dans les empâtements, qui permettent, presque à coup sûr, d’identifier ses toiles lorsqu’elles ne sont pas signées. A son attirance pour le paysage viennent s’ajouter, dans les années 1900, les scènes intimistes, mettant en scène ses enfants et ses proches.

Autre voie explorée avec talent par Etienne Moreau-Nélaton après 1897, celle de la céramique, où il reprend le flambeau maternel, et pour laquelle il installe dans sa propriété boisée de La Tournelle un tour et des fours de potier, afin d’assurer lui-même toutes les étapes de la création, depuis le tournage des vases ou le modelage des figurines jusqu’à leur décor, en expérimentant la réaction des différents oxydes à l’action de la flamme. Dans ce domaine de la céramique, Moreau-Nélaton était très proche d’artistes rangés sous la bannière de l’Art Nouveau, tels que Delaherche ou Chaplet.

En pratiquant aussi bien, et avec un égal bonheur, la céramique que la peinture, le pastel que l’estampe ou encore la photographie, Etienne Moreau-Nélaton est un bon témoin de la pratique artistique de son temps, du décloisonnement des différentes techniques, et de la chute des préjugés séparant beaux-arts et arts appliqués. Il expose régulièrement tableaux et céramiques au Salon annuel, tout d’abord de la Société des artistes français, puis de la Société nationale des Beaux-Arts, de 1884 jusqu’à la Grande Guerre. Il participe aussi à des expositions particulières et organise en 1899 et 1902 des rétrospectives de son œuvre. Un certain nombre de musées, à commencer par celui d’Orsay à Paris, conservent des œuvres d’Etienne Moreau-Nélaton, dont le recensement reste cependant à réaliser : c’est là un des objectifs de la Société des Amis d’Etienne Moreau-Nélaton.

Le troisième aspect de son activité, mais de loin le plus connu, du moins du public cultivé, est celle de collectionneur, puisqu’il eut le goût, l’opportunité et les moyens de réunir un ensemble d’œuvres d’artistes du XIXe siècle, tant du courant romantique que de l’impressionnisme, comportant des toiles de premier plan – que l’on songe au Déjeuner sur l’herbe de Manet, aux Coquelicots de Monet ou encore à L’orpheline au cimetière de Delacroix ou au Jeu de volant de Maurice Denis, mais aussi des dessins en grande quantité de Corot, Delacroix ou encore Jongkind ou Millet, ensemble qu’il donna presque intégralement à l’Etat en trois étapes : par une première et importante donation en 1906, constituée principalement de tableaux mais aussi de quelques dessins, par une seconde en 1919, en mémoire de son fils mort au champ d’honneur, enfin par un legs en 1927, comportant alors surtout des dessins et des estampes en grand nombre, la correspondance réunie par lui sur les artistes dont il avait écrit une biographie, enfin, pour le musée des Arts décoratifs, une sélection de meubles, vases et statues, pour l’essentiel hérités de ses parents.

« Le personnage est indivisible et sa psychologie ne se décompose pas en compartiments étanches. Il y a d’autres collectionneurs érudits ; il est des peintres historiens d’art. Rares sont ceux qui, comme Etienne Moreau-Nélaton, ont uni les trois activités à un tel niveau. » (Michel Hoog, Avant-propos à la biographie de Vincent Pomarède)